LA DIVERSITÉ CULTURELLE À LA SAUCE LIBÉRALE

Publié le par David L'Epée

 



Vidéo : 1ère Conférence internationale pour l’identité culturelle (1981), avec les interventions de Dominique Gallet, secrétaire général de l’Institut France-Tiers-monde, et Assane Seck, ministre sénégalais à la culture

 

Il aurait été illusoire de croire, en cette période de règne sans partage du tout-privé, que la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, dont nous avons parlé il y a quelques jours et qui renvoie les gouvernements du monde à leurs responsabilités, passerait sans opposition. Opposition, comme d’habitude, des tenants du libéralisme le plus borné pour qui toute événement culturel devrait être privatisé de A à Z et pour qui  tout, dans ce domaine comme dans les autres d’ailleurs, devrait être régenté par les lois inaliénables du marché, lois qui n’ont que faire des frontières nationales et du souci de diversité – ce souci persistant porté par un milieu culturel et un public lassés du système actuel. Et lassé, il y a de quoi l’être, face à l’invasion culturelle américaine de nos salles obscures (pour ne prendre que cet exemple), invasion qui, en plus de niveler le plus souvent  l’offre par le bas et d’empêcher une réelle diversité, mène une concurrence déloyale vis-à-vis des réalisateurs locaux et poursuit sur la personne de nos concitoyens un long  façonnage hollywoodien de la pensée.

 

Quant à nous, nous nous réjouissons de cette initiative de l’UNESCO et nous nous sentons solidaires de tous ceux qui luttent dans le sens d’un monde aux mille cultures et aux mille racines, toutes libres et vivantes, comme nous nous sentons solidaires, pour ne citer qu’eux, des cinéastes et artistes sud-coréens (un des pays d’Asie du Sud-Est souffrant le plus d’une forte présence militaire et culturelle américaine) pour la survie et l’indépendance de leur milieu, pour la préférence nationale et le respect de la diversité. Et comme, contrairement à ce que sous-entendent  nos détracteurs, nous ne sommes pas des "talibans", nous publions ci-dessous, pour que vous puissiez en juger, l’argumentaire d’un libéral, pour qui souveraineté culturelle rime avec chauvinisme et atteinte inacceptable aux lois du marché :

 


« Ce n’est pas un hasard si la Convention [sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles] indique que
"nul ne peut invoquer les dispositions de la présente Convention pour porter atteinte aux droits de l’homme" : il était nécessaire de le préciser, puisque le reste du texte ne vise à rien d’autre qu’à faire passer la souveraineté des Etats avant les droits individuls des habitants de leurs pays. La monoculture imposée manu militari aux Afghans pendant les années talibans a pourtant bien montré jusqu’où peut mener la "souveraineté culturelle". La pseudo-diversité nationaliste que l’UNESCO souhaite imposer est une menace pour la vraie diversité, celle qui résulte des libres choix des individus, nécessairement diversifiés, contrairement à des décisions bureaucratiques prises au nom de pays entiers.

 

Dans une optique pluraliste et ouverte, il semblerait normal que chacun, quelle que soit sa nationalité et où qu’il réside, puisse choisir librement d’écouter la musique et regarder les fims qu’il souhaite, d’où qu’ils viennent. Or, concrètement, la Convention implique bel et bien tout le contraire : elle enracine la légitimité pour le pouvoir politique de subventionner certaines productions culturelles, de limiter l’importation ou la diffusion d’autres productions, de décider à la place des radios et de leurs auditeurs quelle musique, de quelle nationalité, doit être diffusée, ou encore de forcer les chaînes de télévision ou les cinémas à diffuser des productions nationales. C’est à croire qu’un bon Suisse doit nécessairement apprécier le cinéma suisse – ou du moins européen. La "diversité culturelle" devient ainsi un paravent commode pour un nationalisme culturel des plus surannés. [...]

 

La culture n’a pas besoin de l’Etat pour exister : les entreprises du secteur privé, par exemple, soutiennent la culture à hauteur d’environ 400 millions de francs par an, alors que le commerce suisse de l’art, qui compte parmi les principaux centres mondiaux, représente quelque 3,2 milliards de francs par an. [...] Car la diversité qui compte vraiment pour la culture est bien celle des choix individuels, et non celle des bureaucraties. »

 

 

Jan Krepelka, collaborateur scientifique à l’Institut Constant de Rebecque, "L’archaïsme d’une diversité de la culture étatisée", Le Temps, 19 mars 2008

 

 

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